C’est devenu un rituel presque immuable : chaque automne, les annonces de hausse des frais de santé se succèdent les unes après les autres. C’est un long serpent de mer auquel patients et praticiens doivent désormais s’habituer. Ces augmentations prennent bien sûr plusieurs formes : hausse du prix des prestations, alourdissement du reste à charge, et – ce qui nous intéresse aujourd’hui : augmentation des complémentaires santé.
2026 ne fera pas exception.
Complémentaires santé : les premières annonces pour 2026
Il y a quelques semaines, nous vous alertions déjà sur les mesures envisagées par le gouvernement pour réduire les dépenses de santé, avec, forcément, un impact sur le coût des soins pour les patients.
Cette fois-ci, l’alerte vient du côté des assureurs, à travers le baromètre du cabinet Addactis, relayé, entre autres, par TF1 Info.
Selon ce baromètre, les tarifs des complémentaires santé augmenteront encore en 2026, après plusieurs années de revalorisations successives. On parle ici d’une hausse comprise entre 3 et 10%, avec des médianes entre 5 et 6%. Les assureurs expliquent ces hausses par la progression constante des dépenses de santé et des remboursements qu’ils doivent assumer.
Pour les ménages, cette tendance fragilise encore davantage leur budget, avec un reste à charge en hausse et un risque accru de renoncement aux soins. Les associations de patients comme les syndicats s’inquiètent d’une inégalité croissante dans l’accès aux soins, tandis que le gouvernement réfléchit à des réformes structurelles pour tenter de contenir ces dérives.
Une nouvelle hausse donc, sans réelle surprise. Reste à savoir si elle sera réellement moins forte qu’en 2025, comme certains l’annoncent. Rien n’est moins sûr.
Comment les professionnels de santé doivent-ils intégrer ces hausses ?
Il faut se rendre désormais à l’évidence : ces hausses sont devenues structurelles.
Les praticiens de santé doivent comprendre leurs impacts et mettre en place des réponses pour en limiter les effets indésirables. Car oui, le risque est réel : voir se renforcer les inégalités d’accès aux soins, jusqu’à une situation où seuls les plus aisés pourraient bénéficier d’un suivi médical complet.
Or, ce n’est pas la vision que nous avons en France et il existe plusieurs leviers d’action concrets pour faire face à cette situation :
1. Adopter des solutions de paiement de santé modernes et flexibles
Proposer aux patients des modalités de règlement adaptées est un levier majeur pour éviter le renoncement aux soins.
Le paiement de santé doit évoluer : paiement différé et paiement fractionné représentent des solutions réelles pour accompagner les patients fragilisés sans compromettre la trésorerie des praticiens.
2. Réfléchir et intégrer de nouveaux modèles économiques
Les facilités de paiement ne sont qu’un début.
Le secteur doit aussi explorer de nouveaux modèles économiques en santé.
Des pistes existent déjà, telles que :
- le paiement à la performance,
- les abonnements de santé
- ou encore d’autres formats hybrides à inventer.
Bien sûr, ces modèles ne sont probablement pas alignés avec toutes les valeurs historiques du système de santé français et ils peuvent susciter des critiques. Mais il serait dommage de ne pas les étudier, les tester et les améliorer.
Certains pourraient être adoptés, d’autres servir de tremplin vers de nouvelles initiatives.
C’est le lent parcours de l’innovation au service de la santé : avancer par essais, ajustements et apprentissages, pour bâtir un cadre plus équilibré et durable.
3. Faire de la prévention financière
Comme nous l’expliquions récemment dans notre article sur la prévention financière, il ne suffit plus de promouvoir uniquement la prévention médicale.
Les patients doivent aussi apprendre à anticiper leurs dépenses de santé : constituer une épargne dédiée, évaluer leur budget annuel, se renseigner en amont sur les remboursements.
Les praticiens, qu’ils soient médecins généralistes, dentistes ou kinésithérapeutes, ont un rôle à jouer pour éduquer leurs patients à ces réflexes.
Mais la responsabilité n’incombe pas seulement aux praticiens et aux patients : le gouvernement a aussi un rôle à jouer pour éveiller les Français à ces pratiques et leur donner les moyens de les appliquer.
Plusieurs leviers concrets pourraient être envisagés :
- Développer des campagnes nationales de sensibilisation sur l’importance de préparer son budget santé.
- Créer des comptes d’épargne santé défiscalisés, sur le modèle de ce qui existe dans certains pays, pour encourager l’anticipation des dépenses.
- Mettre à disposition des simulateurs en ligne officiels permettant aux citoyens d’estimer leur reste à charge annuel en fonction de leurs besoins de soins.
- Renforcer l’éducation financière dès le collège et le lycée, en intégrant la dimension santé dans les programmes.
Ces dispositifs contribueraient à donner à chaque citoyen une meilleure maîtrise de ses dépenses de santé et à limiter le risque de renoncement aux soins.
3. Se préparer aux impayés et à la fraude
Dans un système sous tension, les impayés et la fraude risquent d’augmenter. Les praticiens doivent donc anticiper et mettre en place des dispositifs adaptés.
Plusieurs ressources existent, que ce soit pour mieux gérer les impayés en santé ou pour prévenir la fraude aux moyens de paiement. C’est une condition essentielle pour protéger la viabilité des cabinets et des centres de soins.
4. Autres mesures possibles
Les solutions évoquées ne suffiront sans doute pas à elles seules à absorber l’impact des hausses successives des complémentaires santé.
D’autres pistes méritent aussi d’être explorées, qu’elles relèvent de l’organisation des soins, de la relation patient-praticien ou encore du soutien institutionnel.
Voici quelques mesures complémentaires qui pourraient renforcer la résilience du système.
- Optimiser la communication avec les patients sur les coûts avant les soins, pour éviter les malentendus et renforcer la transparence.
- Renforcer la coopération avec les complémentaires santé locales pour développer des partenariats plus adaptés aux réalités de terrain.
- Suivre régulièrement l’évolution réglementaire et les aides éventuelles proposées par l’État ou les collectivités.
Oui, la santé coûte de plus en plus cher. Mais il est possible d’agir pour éviter que cette réalité ne se transforme en fatalité.
En adoptant de nouvelles pratiques, en explorant des modèles innovants et en accompagnant les patients dans la gestion de leurs dépenses, les praticiens de santé peuvent contribuer à préserver ce système de santé français auquel nous tenons tant.
L’enjeu est collectif : faire évoluer les usages pour garantir un accès équitable aux soins pour tous.
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