Le Buy Now, Pay Later (BNPL), ou paiement fractionné, est devenu omniprésent dans nos habitudes d’achat en ligne. Ce système, qui permet de régler un achat en trois ou quatre fois, souvent sans frais, a séduit des millions de Français par sa rapidité et sa simplicité.
Pourtant, cette facilité cache un risque croissant. Multiplier les petits crédits non encadrés peut mener insidieusement à une situation de surendettement. Les chiffres de la Banque de France l’ont montré : ces « mini-crédits » et paiements différés sont de plus en plus souvent cités dans les dossiers de personnes en difficulté.
Comment la loi, pensée pour les grands prêts à la consommation, s’adapte-t-elle à ces nouvelles formes de financement éclairs ? La réponse vient de l’Europe. La nouvelle Directive européenne sur le crédit à la consommation (CCD II), transposée en droit français, est claire : elle met fin à l’exception pour ces produits. Ce renforcement réglementaire est, de notre point de vue chez MY HEALTHY, absolument salutaire face aux risques d’abus et de surendettement.
Nous allons décrypter ce changement majeur, qui entrera pleinement en vigueur en 2026, et analyser ses conséquences.
Un élargissement spectaculaire du périmètre réglementaire
L’objectif principal de cette réforme est de s’assurer que tout ce qui ressemble à un crédit, même de petite taille ou de très courte durée, soit soumis à une supervision minimale.
Le socle juridique : de Bruxelles à Paris
La réforme est pilotée par la Directive (UE) 2023/2225, souvent appelée CCD II. L’Union Européenne exige une harmonisation maximale, ce qui signifie que les États membres n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre.
En France, cette directive a été intégrée par l’Ordonnance n° 2025-880 du 3 septembre 2025. Cette ordonnance modifie en profondeur le Code de la consommation, avec une date d’application fixée au 20 novembre 2026. À partir de cette date, la règle change pour plusieurs types de financement.
Les produits clés désormais concernés
Jusqu’à présent, le crédit à la consommation encadré commençait à 200 € et excluait la plupart des paiements fractionnés de très courte durée s’ils étaient sans frais. Ce n’est plus le cas :
- Le Paiement Fractionné (BNPL) et les mini-crédits : Les crédits de moins de 200 € et les paiements fractionnés réglés en moins de trois mois, même avec des frais négligeables, sont désormais couverts par la loi. C’est la fin de leur statut d’exception.
- La Location avec Option d’Achat (LOA) : Les contrats de LOA, très fréquents pour l’automobile, sont également inclus dans le champ du crédit à la consommation.
- Crédits importants : Le plafond maximal de la réglementation du crédit à la consommation est relevé, passant de 75 000 € à 100 000 €.
Solvabilité, information et droits : les obligations renforcées
Pour le consommateur, l’élargissement du champ d’application se traduit par l’acquisition de protections accrues, même pour l’achat d’un petit article payé en quatre fois.
A. L’évaluation de la solvabilité devient la norme
C’est l’un des changements les plus importants. Avant d’accorder un crédit – qu’il s’agisse de 150 € sur deux mois ou de 50 000 € sur cinq ans – le prêteur doit désormais réaliser une analyse de solvabilité systématique et proportionnée.
- Vérification : Le prêteur (banque ou plateforme de BNPL) doit vérifier la capacité de l’emprunteur à rembourser, en se basant sur ses revenus et ses charges.
- FNCI : Pour les petits montants, la consultation du Fichier national des incidents de paiement (FNCI) n’est que facultative, mais elle est fortement encouragée pour limiter les risques.
En clair : il sera plus difficile d’obtenir un crédit sans que l’organisme financier n’ait jeté un œil à votre situation financière.
B. Une information contractuelle claire et standardisée
L’information donnée au consommateur doit être sans ambiguïté.
- Document SECCI : Les offres devront obligatoirement s’appuyer sur le Document d’information normalisé européen en matière de crédit à la consommation (SECCI). Ce document unique et standardisé est conçu pour faciliter la comparaison entre les offres.
- Publicité : Toute communication publicitaire devra être « claire, loyale et non trompeuse ». Fini les messages qui mettent en avant la « facilité » ou l' »instantanéité » du crédit.
C. Droits du consommateur : Rétractation et remboursement anticipé
Les droits essentiels des emprunteurs sont étendus aux BNPL et mini-crédits :
- Délai de rétractation : L’emprunteur dispose d’un droit de rétractation de 14 jours pour annuler le contrat de crédit.
- Remboursement anticipé : Le consommateur a le droit de rembourser son crédit par anticipation, avec une réduction proportionnelle des frais et intérêts restants.
Entre le danger de l’abus et la nécessité de l’accès aux soins
Si ce durcissement est loué pour sa fonction protectrice, il est essentiel de distinguer les usages abusifs de ceux qui répondent à un besoin fondamental.
Le piège de la facilité : l’abus dans la grande consommation
Il faut être honnête : l’utilisation du paiement fractionné pour des achats de grande consommation, qui pourraient être reportés ou évités (un gadget high-tech, des vêtements superflus…), peut paraître parfois abusif et inutile. C’est cette utilisation non nécessaire, mais facilitée, qui contribue le plus au phénomène de surendettement par accumulation de dettes mineures. L’encadrement strict des publicités et des conditions d’octroi vise justement à mettre fin à cette dérive.
L’impératif de la santé : garantir l’équité d’accès aux soins
Toutefois, ne mélangeons pas tout. Il existe des domaines pour lesquels ce système de paiements fractionnés est un vrai enjeu d’équité et de responsabilité sociale, et la santé en fait partie.
Face à la hausse permanente et désormais structurelle des frais de santé pour les patients (dépassements d’honoraires, reste à charge important après remboursement, frais dentaires ou optiques lourds), il est impératif de mettre en place, développer et pérenniser des solutions de paiement des frais de santé plus flexibles.
L’accès à une opération dentaire, à des lunettes ou à une consultation spécialisée ne devrait pas être conditionné par la capacité à payer la somme totale immédiatement. Le paiement fractionné, dans ce contexte, est un outil essentiel pour que les patients puissent continuer de se soigner et conserver une équité d’accès aux soins. La loi doit donc veiller à ce que l’objectif de protection ne devienne pas un obstacle à l’accès aux services essentiels.
Le défi du régime proportionné
C’est là que l’équilibre est délicat. La Banque de France a recommandé d’appliquer un « régime proportionné » (ou allégé) pour les mini-crédits et les paiements fractionnés. L’idée est de conserver l’essentiel de la protection (solvabilité) sans imposer un formalisme administratif trop lourd qui paralyserait le marché et l’innovation. Le succès de la réforme dépendra de la justesse avec laquelle ce régime proportionné sera appliqué, notamment pour les secteurs vitaux comme la santé.
Une protection nécessaire, à nuancer
La nouvelle réglementation du crédit à la consommation, applicable en novembre 2026, est une étape indispensable pour adapter la loi à l’ère numérique et endiguer le surendettement lié à la facilité d’emprunter de petites sommes.
Elle marque un progrès significatif dans la protection du consommateur en l’armant d’informations claires et de droits renforcés. Pour les acteurs financiers, elle impose une nécessaire montée en maturité, en les obligeant à assumer leur rôle de prêteurs, avec les responsabilités d’évaluation de solvabilité qui l’accompagnent.
Le défi est désormais de transformer cet essai sans jeter le bébé avec l’eau du bain. L’encadrement est crucial, mais il ne doit pas rendre impossible l’utilisation du paiement fractionné dans des domaines où il est un levier d’accès indispensable, comme les soins de santé. Le succès de cette réforme résidera dans sa capacité à faire la distinction entre l’abus et l’impératif social.

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